Un outil d’aide à la décision sur-mesure : la « Value Stream Mapping Valorisée »

De nos jours, les systèmes deviennent de plus en plus complexes. C’est pourquoi des outils d’aide à la décision sont les bienvenus pour des projets stratégiques de ré-engineering de processus.

Afin d’entraîner tous les services dans une entreprise (production, logistique, finances, marketing…) ou tous les maillons dans une chaîne logistique, une vue prédictive et une quantification des possibles chantiers d’amélioration sont nécessaires.

Pour quantifier les améliorations, une vision que l’on va appeler « métier » (donner les réductions de temps d’écoulement d’un produit, le nouveau Taux de Rendement Synthétique attendu…) n’est plus suffisante. En effet, toutes les parties prenantes ne sont pas forcément familières avec ces visions.

Cependant, là où tous les acteurs perçoivent mieux les propositions d’amélioration sont celles qui sont quantifiées économiquement ; déterminer l’augmentation en Chiffre d’Affaires (CA) d’une amélioration et/ou son impact sur le Besoin en Fonds de Roulement (BFR) est compréhensible par toutes les parties prenantes.

Par exemple, un responsable financier préférera certainement entendre que ce projet d’amélioration permettra de réduire le BFR global de l’entreprise de 2%… Plutôt que d’entendre que celui-ci permettra de réduire le temps d’écoulement global du produit de 10%. Avec cette problématique et la complexité actuelle des flux, la modélisation et la simulation de flux sont des outils adaptés pour le ré-engineering de processus.

Le formalisme de Value Stream Mapping est reconnu et souvent utilisé dans des chantiers d’amélioration continue (voir la figure 1).

La Value Stream Mapping (VSM) permet de cartographier et de caractériser les flux ; Qu’ils soient physiques ou d’informations, ainsi que les diverses activités qui composent un processus (Rother et Shook, 1999).

On réalise une VSM par produit, familles de produits ou service. Cette méthode est très souvent la première étape d’un chantier d’amélioration. Elle permet de relever et d’identifier des chantiers d’amélioration à mener. Pour cela, il faut disposer des paramètres suivants en entrée pour chaque activité :

  • Le temps de cycle unitaire
  • Le temps de changement de série
  • Le ratio d’utilisation du moyen de production pour ce produit
  • Le nombre d’opérateurs
  • La demande moyenne par unité de temps
  • Le nombre de pièces en attente devant le poste (pour le convertir en durée par rapport à la demande moyenne)

Grâce à ces informations, on peut définir :

  • Le temps d’écoulement total du produit
  • Le ratio de valeur ajoutée (le temps réel où le produit reçoit de la valeur ajoutée dans le processus)
Value Stream Mapping
Figure 1 : exemple de Value Stream Mapping (http://www.conceptdraw.com)

Dans la partie supérieure, on caractérise également les flux d’informations. C’est-à-dire que l’on montre l’Echange de Données Informatisées (EDI) tels que ; les prévisionnels de ventes, l’envoi du programme de production chez le fournisseur, et ce avec la fréquence à laquelle sont réalisés ces échanges.

La Value Stream Mapping permet d’aider, avec une vue statique, à déterminer les principaux points où des améliorations devraient être réalisées.

Cela est rendu possible car sa modélisation permet aux équipes de reconnaître et d’appréhender plus facilement les flux sur lesquels ils travaillent.

De nombreux cas d’études récents démontrant l’importance de la VSM sont présents dans la littérature ; que ce soit pour l’industrie automobile (Rahani et al-Ashraf, 2012), pour un complexe hospitalier (Schwarz et al., 2011) ou une industrie spécialisée dans la fabrication de tracteurs (Singh P. et Singh H., 2012).

Cependant, disposer uniquement d’une Value Stream Mapping, même si c’est une très bonne base de travail, présente des inconvénients :

à chaque fois que l’on veut modifier un paramètre, on doit refaire la VSM pour inclure les nouvelles informations et refaire les différents calculs.

Un autre manque est que l’on dispose uniquement d’une vue statique, d’une “photo“ à un instant “t“. On compte le stock au pied de la machine sans savoir si c’est un cas “normal“ par exemple. C’est pourquoi, la simulation de flux permet de combler ces manques et d’avoir encore d’autres avantages, comme énoncé dans un chapitre précédent.

Dans notre cas précis, nous nous intéresserons plus particulièrement à la Simulation de flux à Evènements Discrets (SED).

À ce niveau, nous souhaitons donc coupler l’outil VSM et la SED. Le but étant d’avoir un outil plus complet avec une vision dynamique et permettre de valoriser les impacts des améliorations proposés à travers différents scénarii. Ces améliorations, que nous appellerons métiers ne permettent cependant pas d’impliquer tous les services, comme énoncé en introduction de ce chapitre.

C’est ici que l’intégration d’une dimension économique paraît pertinente. En effet, valoriser économiquement ces améliorations permettra plus facilement de faire valider le lancement d’un projet d’amélioration.

Dans la littérature, quelques travaux ont commencé à aller dans le sens du couplage de la VSM et de la valorisation économique.

C’est le cas dans l’article de Murat Tabanli et Ertay (2012) pour un projet  d’investissement dans la technologie RFID (Radio-Frequency Identification ; permet de mémoriser et de récupérer des données à distances en utilisant des marqueurs disposés sur des produits). Un autre travail (Sihn et Pfeffer, 2013) s’intéresse à cela, mais là aussi la vision dynamique qu’apporte la SED y fait cruellement défaut ; « Nevertheless, some of these indicators need additionnal simulation to estimate values. »

On peut également trouver des essais de couplage entre SED et valorisation économique (mais sans l’aspect VSM) suivant différentes méthodes de comptabilité (Bosch-Mauchand et al., 2010).

Mais la méthode la plus intéressante d’un point de vue Lean n’est pas utilisée ici. Une autre méthode, “Value Stream Costing“ (VSC) utilisée dans un article (Li et al., 2012) démontre que la VSC “apparaît comme la meilleure alternative pour lier les points de vue opérationnel et financier pour un chantier Lean.“

Le terme de “Value Stream Accounting“ (VSA) apparaît cependant plus adapté (Gordon et al., 2011). Cette méthode permet de valoriser un produit à chaque point de la chaîne de valeur (donc tout au long des activités de la VSM par exemple).

Voici un exemple simple pour illustrer cette méthode :

cet exemple présente un processus composé de 3 opérations, chacune avec 1 heure de temps opératoire et un taux horaire de 100€. La matière première est achetée 500€. Entre chaque opération, le produit est stocké 14 jours avec un taux de détention journalier de 0,05% (soit environ 20% annuel).

Ce taux de détention tient compte des principales composantes des coûts de stockage :

  • coûts de structure d’accueil du stock,
  • coût de l’argent immobilisé,
  • risques de détérioration et d’obsolescence
  • et enfin, les frais de gestion des stocks.

La figure 2 ci-dessous illustre ce problème. Avec cet exemple on peut voir qu’il y a 300€ de valeur ajoutée et 18,43€ de non valeur ajoutée (soit un peu plus de 6% de la valeur ajoutée par la compagnie).

Value Stream Mapping Accouting
Figure 2 : Exemple d’application pour la Value Stream Accounting

Cet exemple montre comment les principales sources de gaspillage  peuvent être détectées afin de proposer des plans d’amélioration.

Process Value Stream Mapping valorisée
Figure 3 : Processus de réalisation d’une VSM valorisée

La méthode décrite dans la figure 3 ci-dessous, comme la VSM, se concentre sur l’étude d’un produit ou d’une famille de produits. Pour maîtriser les coûts sur l’ensemble des produits ou familles représentatives, il faudra répéter la méthode proposée sur la “VSM valorisée“.

Premièrement, il faut “collecter les données métiers” ; c’est-à-dire identifier toutes les activités par lesquelles passe le produit, récolter toutes les données concernant les temps de cycle, les temps de réglages, le nombre d’opérateurs, les temps d’ouverture, les informations sur les occurrences de pannes et la fiabilité.

Lorsque ces données sont collectées, il est possible de “modéliser le processus As-Is grâce à la VSM”. Grâce à la VSM, des experts pourront déterminer et “proposer des améliorations” adaptées au fonctionnement actuel du système As-Is. Pour ces premières étapes, uniquement les données opérationnelles, les données métiers sont intégrées au modèle.

La principale différence entre Value Stream Mapping et Simulation à Evènement Discret réside dans l’information des temps d’attente.

En ce qui concerne la VSM, avant chaque activité, le nombre de pièces est comptabilisé puis converti en durée vis-à-vis du “takt-time” .(c’est le nombre de pièces qui doivent être produites par unité de temps par rapport au temps d’ouverture). C’est-à-dire que c’est une donnée d’entrée. Avec la SED, ces données sont des données de sortie qui sont générées par rapport aux contraintes d’entrée du système. Il est à noter que dans des cas assez simples, la SED peut ne pas être utilisée. Des algorithmes simples ou des feuilles de calcul peuvent être suffisants.

Cependant un intérêt certain de la simulation est la flexibilité de la simulation.

La SED permet également de traiter de grands nombres de données pour traiter des problèmes complexes. Enfin, un autre avantage notoire de l’inclusion de la SED dans la méthode est le traitement des incertitudes ; les temps de cycles ne sont jamais identiques, les pannes sont aléatoires, les fournisseurs livrent parfois avec des retards…

Il faut ensuite “modéliser le processus As-Is grâce à la SED”.

Une phase de “validation du modèle de simulation” doit être réalisée. Et ce pour comparer la VSM avec le modèle de simulation.

C’est-à-dire qu’il faut passer par une phase de calibrage pour par exemple vérifier si les temps d’attente devant les différents postes correspondent bien à ceux déterminés par la SED.

Après cette phase de calibrage, si le résultat n’est pas satisfaisant, il faut tout d’abord modifier le modèle de simulation. En effet, il y aura souvent des hypothèses simplificatrices de modélisation qui seront à revoir afin d’ajuster le modèle.

Cette itération, ces modifications peuvent être faites à plusieurs reprises. Si ça n’est pas satisfaisant, il faut peut-être revoir la VSM initiale.

Une difficulté notoire ici est que la VSM ne modélise qu’un produit ou une famille de produits à la fois… Et que la SED doit simuler toutes les charges allouées à une activité.

Par conséquent, deux approches peuvent être envisagées :

  • soit réduire le temps d’ouverture des machines pour dédier le moyen à l’utilisation réelle qui en est faite,
  • soit introduire des produits “parasites” qui ne sont pas dans le périmètre de l’étude. Et ce pour simuler la réalité du fonctionnement du système.

Si la validation du modèle est satisfaisante, la troisième partie peut être traitée : l’ajout de la dimension économique.

Premièrement, il faut “collecter les données économiques”. Ces données de coûts de fonctionnement doivent prendre en compte la consommation d’énergie, les coûts de maintenance, l’amortissement des moyens et les salaires chargés des opérateurs. Ces différents coûts permettent de définir les coûts à valeur ajoutée lors des temps opératoires.

Entre ces diverses opérations, des temps d’attente sont présents. Ces temps d’attente sont valorisés par un taux de détention, expliqué précédemment, des produits en stock en fonction de la valeur actuelle du produit.

En parallèle, il est possible d’ “ajouter la dimension économique au processus As-Is avec les règles de VSA”. C’est-à-dire modifier le modèle de simulation pour y ajouter le calcul des coûts de valeur ajoutée et de non valeur ajoutée en suivant les règles de VSA. De cette manière on peut définir le BFR en temps réel (ou au moins valoriser les encours). Cette partie est intégrée au modèle de simulation avec les “données d’entrée financières” de la figure 4.

Lors de cette étape, nous disposerons d’une analyse complète de coûts du processus As-Is. Lorsque cette analyse est réalisée, les principales sources de gaspillage (au sens du Lean Manufacturing) en termes de coûts seront détectées. L’évolution des coûts (à valeur ajoutée ou non) du produit tout au long du processus sera une donnée de sortie.

On pourra donc représenter cette évolution des coûts graphiquement.

link simu
Figure 4 : Fichiers liés au modèle de simulation de flux (SED)

Les améliorations proposées précédemment pourront être testées pour proposer un processus To-Be.

Avec ces différents scénarii, il sera possible de “quantifier les retombées métiers du plan d’amélioration”. C’est-à-dire qu’il sera possible d’évaluer les bénéfices des améliorations disponibles dans le fichier de sortie .(voir en haut à droite de la figure 4).

Avec les 3 dernières tâches réalisées, il est maintenant possible de “quantifier les retombées économiques du plan d’amélioration”. Il est maintenant possible de “collecter et analyser les résultats” : et ce d‘un point de vue métier ou financier. La figure 4 est maintenant complète avec toutes les données qu’il faut en entrée et que l’on a en sortie.

À ce stade, plusieurs plans d’améliorations peuvent être testés. Il est possible de réaliser un plan d’expérience avec plusieurs scénarii et coupler des propositions d’améliorations pour voir leur impact.

C’est également un avantage de la SED ; il est “facile” de déterminer l’impact potentiel d’une amélioration et d’une autre séparément. Mais si les 2 solutions sont implémentées, le gain des améliorations ne sera pas égal à la somme des gains des 2 améliorations prises séparément.

Il reste à définir dans quelles mesures cela est vrai. Et la SED permet cette manipulation, avec un grand nombre de propositions potentielles testées simultanément. Dès lors que les différents plans d’amélioration sont analysés et que la (les) solution(s) satisfaisante(s) sont retenues, elle peuvent être proposées pour débuter un projet d’amélioration.

Pour être exhaustif, toutes les données nécessaires en entrée sont représentées dans le tableau 1.

Avec ce tableau, les données de sortie que l’on peut attendre avec la VSM valorisée sont renseignées. Il y a une séparation entre les données métiers (issues de la VSM) couplées avec la SED et les données financières (issues de la VSA) également couplées avec la SED.

parametres
Tableau 1 : paramètres d’entrée/ de sortie en fonction des outils couplés et du type “d’activité“

Notre proposition consiste donc à lier les 3 méthodes que sont ; Value Stream Mapping, Simulation de flux à Evènements Discrets et Value Stream Accounting pour disposer d’une une méthode complète.

Cette méthode présentée précédemment peut-être synthétisée (avec le même code couleur) sur la figure 5 ci-dessous avec ses 3 étapes principales :

synthèse Value Stream Mapping valorisée
Figure 5 : Synthèse du processus de réalisation d’une VSM valorisée
Un outil d’aide à la décision sur-mesure : la « Value Stream Mapping Valorisée »

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