Comment prendre la bonne décision dans notre ère fluctuante et complexe, fief de la réactivité et de la performance ? Comment se montrer compétitif et innovant pour sans cesse se renouveler ? À quels types d’outils ou de méthodologies peut-on se fier pour résoudre les problématiques actuelles ? Existe-t-il des systèmes capables de nous suggérer des pistes d’actions réalisables ? Quel est l’apport des outils d’aide à la décision pour les managers au sein des entreprises ?
On se propose de traiter du thème de la décision managériale, et plus particulièrement, des outils d’aide à la décision.
Ces systèmes sophistiqués, qui associent intelligence humaine et intelligence artificielle, modélisent les fonctions cognitives de la prise de décision et semblent fournir au dirigeant des réponses auxquelles il n’avait pas nécessairement songé…
« Il y aura toujours un vent favorable pour celui qui sait où il va » SENEQUE.
Qu’est-ce qu’un outil d’aide à la décision ? Dans quelle situation l’utiliser ?
À quels types de décisions et de management ces systèmes sont-ils dédiés ?
Pourquoi les entreprises ont-elles de plus en plus recours à ces outils ?
Les dirigeants sont aujourd’hui confrontés à des situations et des environnements complexes… Où interfère une multiplicité de facteurs, d’acteurs, de points de vue divergents… Et ce, avec des délais de prise de décisions de plus en plus réduits.
Ce type de contexte impose souvent de mettre en œuvre des objectifs disparates et conflictuels.
Il s’avère donc particulièrement délicat pour ces décideurs de résoudre les problématiques en les appréhendant dans leur globalité.
La mondialisation, la forte segmentation des marchés, les innovations technologiques, la rapidité des changements, le règne de la performance et le spectre de l’incertitude environnante augmentent irréductiblement les risques de se tromper. Paradoxalement, l’erreur est difficilement concevable dans notre société en quête perpétuelle d’excellence.
Dans ces circonstances, les outils d’aide à la décision jouent un rôle salvateur. Ils offrent aux dirigeants l’opportunité de faire un état des lieux de la situation. D’appréhender avec exhaustivité les solutions potentielles. Et de mesurer les conséquences de la décision. Ils permettent de formuler le problème selon une approche multi-décideurs multicritères pour le résoudre de manière consensuelle et impliquer tous les acteurs. Enfin, ils leur procurent une plus grande visibilité et autorisent la prospective.
En effet, l’aide à la décision consiste à relier des données contradictoires ou incomplètes (opinions, points de vue, attentes, besoins, préférences, etc) pour les faire interagir et créer du sens.
Bernard ROY, fondateur de l’Ecole Européenne de l’aide multicritère à la décision, définit cette discipline de la manière suivante ; « L’aide à la décision est l’activité de celles ou ceux qui cherchent à prendre appui sur une démarche à caractère scientifique pour éclairer les décisions de nature managériale et/ou guider des processus de décision dans des systèmes organisés. Le modèle d’aide à la décision est élaboré en cherchant à tirer parti de ce qui semble être la partie stable de la perception du problème qu’ont les acteurs. Sur cette base, le modèle vise à leur fournir des concepts, des modes de représentation et de raisonnement leur permettant d’enrichir leur perception. C’est à la suite de ce travail qu’est conçue la recommandation. »
Les outils d’aide à la décision combinent savamment sciences humaines et sciences formelles.
Grâce à des développements mathématiques issus des recherches fondamentales, ils traitent les données qualitatives brutes, les relient entre elles et leur confèrent une légitimité, une objectivité. Ils s’établissent donc comme des supports à la prise de décision. En préconisant tous les choix possibles, ces systèmes informatiques garantissent un diagnostic complet. Ils facilitent également la prise de décision dans des univers confus ; où coexistent l’imprécision, les diverses influences du secteur d’activités et les biais cognitifs (interprétations, croyances, peurs, résistances mentales et culturelles…).
Dans le cas de décisions stratégiques où l’horizon du raisonnement peut être infiniment vaste, la subjectivité des acteurs peut engendrer une distance considérable entre la décision finale et sa mise en œuvre opérationnelle. Il est, par conséquent, indispensable de recenser toutes les actions possibles. Mais également de bien comprendre les mécanismes de la décision humaine et d’en respecter le processus complexe.
L’efficacité de la nouvelle génération d’outils d’aide à la décision réside dans leur capacité à établir une jonction entre algorithmes performants et connaissances humaines.
Pour mener à bien le processus de décision, et à plus forte raison, lorsqu’il s’agit de problèmes complexes, il est nécessaire de s’imprégner de la perception du dirigeant et des différents acteurs ; des idées, des intuitions, des jugements, des opinions, du savoir-faire, de l’expertise au sein de l’organisation…
Les Systèmes Interactifs d’Aide à la Décision répondent à ces exigences en simplifiant le parcours cognitif emprunté par l’homme. Ces procédés dynamiques cultivent et optimisent la coopération homme/machine en plaçant le dirigeant au cœur du processus de décision ; c’est lui qui détient le contrôle de la recherche. Ces outils, personnalisables et polyvalents, sont constitués d’une interface Homme/machine et de bases contenant des informations et des modèles. (méthodologies, recherche opérationnelle, programmation informatique, algorithmes …).

Les Systèmes Interactifs d’Aide à la Décision opèrent en quatre phases :
une phase d’informations, une phase de conception, une phase de choix et une phase d’évaluation du choix. Il faut préalablement mesurer le niveau de structuration du problème à traiter, c’est-à-dire l’effort que nécessite sa formalisation.
La première étape est cruciale. Elle consiste à déterminer la problématique, la formuler et rechercher les informations les plus pertinentes… En fonction des préférences et objectifs exprimés par le décideur. Au cours de la seconde phase, le but est de produire, développer, étudier les différentes alternatives et d’aboutir à la sélection d’un ou plusieurs modèles de décision. La troisième étape relève du choix du décideur entre les pistes d’actions identifiées. Elle procède à la recherche, à l’évaluation et à la préconisation d’une solution appropriée au modèle. Enfin, la dernière phase permet de mesurer les conséquences du choix opéré par le dirigeant. Ces quatre phases reproduisent le fonctionnement neurobiologique de la décision humaine.
C’est ainsi, que l’empirisme de l’homme et la fiabilité mathématique de la machine se rejoignent pour servir les décisions stratégiques et managériales.
Grâce aux communautés de chercheurs, aux nombreuses méthodologies et formules mathématiques existantes, les outils d’aide à la décision ont pris une ampleur considérable… Et sont utilisés par grand nombre d’entreprises partout dans le monde.
Comme l’envisageait Bernard ROY, ces recherches ont permis d’élaborer une science de l’aide à la décision ;
« Si l’on déplace l’objet du savoir vers les moyens et les conditions d’une aide à la décision, on peut concevoir une science de l’aide à la décision. Une telle science cherche à élaborer des concepts, des modèles, des procédures et des résultats qui devraient constituer un ensemble structuré et cohérent de connaissances pouvant jouer le rôle de clés pour agir en conformité avec des objectifs et des valeurs. En effet, grâce à des concepts rigoureux, des modèles bien formalisés, des procédures de calculs précises (notamment d’optimisation), des résultats d’ordre axiomatique, on doit pouvoir prétendre éclairer, accompagner scientifiquement des processus de décision notamment :
- en faisant ressortir ce qui est objectif de ce qui l’est moins,
- séparant les conclusions robustes des conclusions fragiles,
- en dissipant certaines formes de malentendus dans la communication,
- en évitant les pièges des raisonnements illusoires,
- et en mettant en évidence des résultats non controversables une fois compris. »
Les développements actuels consistent à regrouper tous les travaux de recherches en la matière sur une plate-forme Internet pour les rendre plus accessibles aux décideurs.
Dans les années à venir, l’enjeu sera peut-être de les « humaniser » tant au niveau de l’interface, que du langage utilisé ; ils devront se nourrir du vocabulaire métier des utilisateurs, de leur manière d’appréhender le monde, de leur savoir faire… Ils devront arborer des interfaces encore plus intuitives et conviviales pour faciliter l’usage et permettre aux décideurs de déterminer leurs propres stratégies de résolution du problème.
Les récents résultats des recherches fondamentales en Intelligence Artificielle, en Informatique Avancée sont très prometteurs. Ils ouvrent la voie à la conception de systèmes d’aide à la décision intelligents. C’est-à-dire des systèmes qui réagissent et pensent de manière rationnelle, mais également qui se comportent et raisonnent comme les humains.
Cependant, ces révolutions technologiques ne remettent pas en cause le rôle essentiel du décideur.
L’être humain en proie à sa subjectivité demeure toujours l’élément primordial et décisif. Même s’il a besoin de la logique de la machine pour retranscrire ses représentations mentales et rationaliser ses décisions, il reste maître de ses choix et prend la responsabilité de trancher.
« Un homme doit choisir. En cela réside sa force : le pouvoir de ses décisions. », Paulo Coelho.
Quelques ouvrages de référence :
