Plusieurs outils permettent de cartographier les processus d’une entreprise pour distinguer la valeur ajoutée de la non valeur ajoutée. Nous en présentons trois dans cet article : le graphe des opérations, le Value Stream Mapping (VSM ou cartographie des flux de valeur) et le diagramme spaghetti.
Mais avant de décrire les flux, il faut définir la famille de produits sur laquelle l’étude va porter.
La famille de produits
Ce sont les familles technologiques qui nous intéressent ici, pas les familles commerciales. Pour définir les familles technologiques, on croise dans un tableau la liste des produits finis avec les ressources qu’ils consomment (machines, postes d’assemblage). Les produits qui passent par les mêmes postes de charge constituent une famille technologique.

Une fois la famille de produit sélectionnée, l’étape suivante consiste à fixer un ou des objectifs car la cartographie n’est qu’un outil au service d’une finalité. Exemples d’objectifs (qui souvent sont interdépendants) : réduire les cycles, baisser les en-cours et les stocks, diminuer les distances parcourues, équilibrer les postes de travail, avoir plus de polyvalence, faire du management visuel,…
Le graphe des opérations
Le graphe des opérations utilise 5 symboles visuels pour décrire le flux de fabrication d’un produit :
Pour ensuite cartographier un processus de production, il suffit de s’armer d’une feuille de relevés et d’un stylo puis de suivre le produit tout au long de ses étapes de fabrication en notant les états par lesquels il passe (opération, contrôle, transfert, attente, stockage).


Les questions à poser pour challenger la situation actuelle et proposer un mode de fonctionnement plus efficace sont :
- Que fait on à cette étape ? Quel est l’intérêt de cette étape ? Apporte t-elle de la valeur ajoutée au produit ? Est elle vraiment nécessaire ?
- Est ce l’opérateur le mieux placé pour réaliser cette opération ? Quelles compétences faut-il pour réaliser cette opération ? Pourquoi cette personne plutôt qu’une autre ?
- Est-ce le bon endroit ? Comment gagner en surface, en encombrement, en rapidité ?
- Est-ce le meilleur enchaînement des tâches ? Peut-on intervertir ? Peut-on faire l’opération en temps masqué ?
- Les moyens sont-ils adaptés ? La méthode est-elle judicieuse ? Pourquoi s’y prend t-on ainsi ?
Le Value Stream Mapping (VSM)
Principes du VSM
A première vue, le Value Stream Mapping, ou cartographie des flux de valeur, est un outil proche du graphe des opérations : c’est une représentation graphique des activités avec et sans valeur ajoutée, en partant des matières premières jusqu’à la livraison des produits finis au client. Le VSM aide à la détection des gaspillages et donc à l’optimisation des processus pour une meilleure création de valeur.
A y regarder de plus près, le VSM a plusieurs avantages ou rend des services supplémentaires par rapport au graphe des opérations :
- le VSM donne une vue plus macro que le graphe des opérations. Il permet de comprendre globalement les flux de production sans entrer dans un niveau de détail trop fin ;
- le VSM permet de comprendre l’enchaînement des étapes de fabrication mais aussi les flux d’information qui ont déclenché ces flux physiques ;
- les symboles utilisés pour décrire les flux sont devenus des standards. Ils sont explicites et facilitent la lecture et l’analyse des flux ;
- le VSM décrit les interactions avec les maillons amont (fournisseurs) et aval (client) de l’entreprise ;
- l’outil VSM permet de répondre à 3 questions simples :
- comment travaillons nous aujourd’hui, entre le moment où nous réceptionnons la matière première et le moment où le client reçoit le produit fini ?
- quels sont les « anti-flux », c’est à dire tous les incidents qui ralentissent et parasitent le bon écoulement des produits dans l’atelier, voire provoquent des flux retours ? Une fois les anti-flux identifiés, comment décidons nous de reconfigurer notre organisation industrielle ?
- quel est le plan d’actions pour passer de la situation actuelle à la situation future et comment mesurons nous les progrès réalisés ?
Les principaux symboles du VSM
La figure suivante présente les principaux symboles utilisés pour établir une cartographie VSM :


Symboles du VSM
Exemple de VSM « état actuel »
5 règles guident la démarche Lean :

Un VSM est constitué de 5 blocs : le client, le système d’information, les fournisseurs, le flux physique, la synthèse sur le cycle (opérations à valeur ajoutée, opérations sans valeur ajoutée, ratio de fluidité). Voici quelques questions à poser pour avoir le VSM « état initial » le plus complet possible avant de réfléchir à « l’état futur ».
1- Le client :
- quel est son rythme de consommation ?
- quelles sont ses exigences en terme de lotissement ?
- quelles sont ses exigences en terme de qualité ?
- quelles sont les performances de notre entreprise vis à vis du client ?
- comment le client exprime t-il son besoin vers notre entreprise : commandes et prévisions ? Avec quelle fréquence ?
- …
2- Le système d’information :
- comment le système d’information intègre t-il les prévisions et les commandes du client ? Quelle est la fréquence de traitement de ces « signaux » d’entrée ?
- comment ces signaux sont-ils répercutés vers nos fournisseurs ?
- comment ces signaux sont ils répercutés dans les ateliers ?
- quelles sont les contraintes qui existent dans le système d’information (taille de lot économique, regroupement d’ordres,…)
- …
3- Les fournisseurs :
- quelle est la performance des fournisseurs vis à vis de notre entreprise (Qualité et Ponctualité) ?
- y a t-il des conditions de ventes ou des conditions logistiques qui génèrent des anti-flux par la suite ?
- …
4- Le flux physique :
- quelles sont les étapes de fabrication et dans quel ordre s’enchaînent-elles ?
- quelles sont les caractéristiques de chaque poste de charge : temps de cycle, temps de changement de série, niveau de qualité, disponibilité, utilisation, nombre d’opérateurs, nombres d’équipes, polyvalence, risques identifiés sur ce moyen, poste commun à d’autres familles de produits,…
- où sont les en-cours et les stocks ? Combien de pièces y a t-il ? Combien de temps les pièces passent-elles en moyenne à attendre ? Sait-on valoriser cette immobilisation ?
- …
5- Synthèse sur le cycle :
- quel est le cycle total, c’est à dire le temps de passage du produit dans l’usine, entre la réception de la matière première et la livraison du produit fini au client ?
- pendant combien de temps transforme t-on le produit et donc quel est le temps de valeur ajoutée ?
- pendant combien de temps le produit attend t-il en en-cours et stock et donc quel est le temps de non valeur ajoutée ?
- quel est le ratio de fluidité = temps à valeur ajoutée / cycle total. C’est là qu’on va très souvent trouver un résultat inférieur à 5% (et parfois même inférieur à 1%).
- …
Les limites du VSM
La première limite est que le VSM n’est justement qu’un outil. Il est présenté trop souvent comme la méthode miracle qui va résoudre à lui tout seul tous les problèmes de l’entreprise. Il ne faut attendre d’un VSM que ce qu’il peut offrir, à savoir une visualisation complète des flux physique et d’information. C’est un révélateur des dysfonctionnements de l’entreprise qui force à la réflexion et à l’action
Ensuite le VSM est un outil technique qui couvre les aspects physiques, les interactions, le pilotage des flux. Il intègre peu les aspects humains et organisationnels pourtant importants dans un projet Lean
Enfin, les symboles existants peuvent brider la recherche de solutions innovantes
Le diagramme Spaghetti
Le diagramme spaghetti est un outil de cartographie qui vient en complément d’un graphe des opérations ou d’un Value Stream Mapping.
Pour construire le diagramme spaghetti, on imprime le plan de masse de l’usine au format A1 ou A0 puis on trace chaque mouvement de produit tel qu’il se passe dans l’atelier.

Le diagramme spaghetti met en évidence les distances parcourues par le produit, les flux aberrants (flux qui se croisent, déplacements sans objet) et les allées de l’atelier où la densité du trafic est forte. Le cheminement des produits est en général tellement compliqué à lire que le diagramme ressemble à un plat de spaghetti, d’où le nom de cet outil.