Mintzberg (1973) a mis en évidence l’écart existant entre la légende et la réalité des processus de prise de décision. Il indique notamment qu’un gestionnaire est perçu comme un planificateur systématique qui a besoin d’informations agrégées issues d’un Système d’Information structuré. Or, la plupart du temps, les activités de prise de décision se caractérisent par leur brièveté, leur variété et leur discontinuité. Elles sont, selon (Mintzberg, 1973) toujours, orientées vers l’action et peu vers la réflexion.

Bref, jugement et intuition restent encore bien souvent les maîtres-mots du processus de prise de décision.

Néanmoins, la complexité grandissante et permanente des organisations, et particulièrement des systèmes logistiques, oblige à envisager un minimum de structuration de ces processus de prise de décision afin de les rendre plus robustes, et par là à rendre les organisations plus résilientes.

Des auteurs tels que (Paché et Spalanzani, 2007 ; Chopra et Meindl, 2009 ; Coyle et al., 2011) ont souligné combien il était nécessaire de prendre des décisions de coordination « adéquates » pour mettre à disposition du consommateur, le bon produit, au bon moment, au bon endroit.

C’est au croisement de ce besoin et de la notion, plus que jamais actuelle (Fulconis et Paché, 2011 ; Spiegler, 2011), de rationalité limitée que se trouve le fondement de tous ceux qui s’intéressent aux systèmes d’aide à la décision.

Classiquement, on peut regrouper les théories de la décision en trois grandes familles (Kast, 2002) :

  • Les théories du comportement rationnel ; comportement d’un décideur rationnel dans une logique d’évaluation a priori des conséquences potentielles de sa décision. Ces théories ont pour objectif de tenter de formaliser comment décider que telle configuration ou décision est meilleure qu’une autre. Le principe consiste à trouver l’optimum de certains paramètres qui permettent de quantifier la qualité stratégique d’une situation,
  • Les théories du comportement organisationnel ; comportement d’un décideur qui s’engage dans un processus progressif volontaire et itératif de recherche / conception / sélection de sa décision. Mais comme le décideur n’a qu’une « rationalité limitée », son comportement sera « satisfaisant » et non pas « optimisant ». Ce n’est pas le résultat qui est rationnel, mais c’est la procédure suivie,
  • Les théories critiques ; relation information-décision instable, ambiguë, mais sensée qui s’inscrit dans le cadre d’un jeu social (March, 1981). L’information est recherchée dans un but très stratégique ; pouvoir se justifier a posteriori des décisions déjà prises, saisir des opportunités, etc. Ou au contraire pour comprendre le comportements des autres ; pouvoir suivre une règle commune, pouvoir faire confiance, etc.

Arrêtons nous un instant sur les théories critiques… Et sur l’intérêt qu’elles peuvent avoir vis-à-vis de la problématique logistique et organisationnelle des entreprises.

La notion de jeu social qu’elles véhiculent est tout à fait porteuse de sens dans le cadre d’une chaîne logistique. En effet, il n’est pas rare que les décideurs aient à justifier a posteriori des décisions, souvent subjectives, qu’ils ont eu à prendre dans le feu de l’action. Il n’est pas rare non plus que le comportement de tel ou tel acteur soit influencé par le comportement constaté de tel ou tel autre acteur.

Considérant ces éléments, nous émettons l’hypothèse que les gestionnaires maîtrisent, bon gré mal gré, ces modes de prise de décision.

Notre suggestion consiste alors à mieux exploiter des outils capables de clarifier les tenants et aboutissants de la décision qui devra être prise.

C’est pourquoi nous proposons de structurer des méthodes et outils relatives aux deux premières familles de théorie de la décision. Et d’épouser le modèle « Intelligence, Modélisation, Choix » (IMC) proposé par (Simon, 1983) et dont la pertinence dans les contextes de Supply Chain actuels est plus que jamais vérifié :

  • Étape 1 – Intelligence ; représente la perception et la compréhension du système concerné par la prise de décision (caractérisation). Puis le recensement des dysfonctionnements et des causes associées (détection),
  • Étape 2 – Modélisation ; représente l’identification et la spécification des diverses solutions possibles (formulation),
  • Étape 3 – Choix ; apprécie les résultats présumés et les conséquences supposées (estimation) des solutions afin de retenir la ou les « meilleure(s) » compte tenu de critères établis.

Il est important de noter que les théories du comportement rationnel ne sont pas antinomiques des théories du comportement organisationnel .(dont le modèle IMC constitue le fondement).

Elles proposent des méthodes, techniques et outils susceptibles de supporter telle ou telle étape de la démarche proposée par H. Simon.

Plusieurs techniques font partie de cette famille ; théorie des jeux, recherche opérationnelle, analyse multicritères, simulations stochastiques. Elles constituent, selon les cas, un support efficace permettant ;

  • de mettre en œuvre la phase d’Intelligence,
  • de faciliter la phase de Modélisation
  • ou d’aider au Choix final.
Les Systèmes d’Aide à la Décision

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