En février 2014, l’École supérieure du professorat et de l’éducation de l’Académie de Créteil organisait une conférence intitulée « Innovation pédagogique : gageure ou nécessité ? ».

Et c’est avec ces mots que les organisateurs introduisaient les débats ; « Les questions relatives à l’innovation pédagogique sont des questions vives, qui enflamment les uns mais laissent les autres plutôt sceptiques sinon dubitatifs. L’innovation en matière de pédagogie fait l’objet d’injonctions réitérées, parfois incomprises, souvent associées à des effets de mode, et très inégalement suivies d’effet. »

On perçoit bien ici le caractère brûlant du sujet mais également les interrogations, nombreuses, qu’il véhicule. Tâchons d’y voir plus clair.

De l’intérêt d’innover en pédagogie

Le terme innovation pédagogique peut-être identifié comme toutes les actions modifiant les usages et les pratiques habituelles des formateurs et des apprenants.

Mais quel est l’intérêt à innover en matière de pédagogie ? Vaste question qui pourrait se traiter de façon lapidaire et sans doute simpliste en affirmant que tout ce qui n’innove pas, recule !

Il y a sans doute une part de vérité dans cette assertion. Mais il convient néanmoins de creuser un peu plus la question… En particulier il faut noter que puisque la société change, les modèles traditionnels ou classiques de formation doivent être remis en cause. Autant les organisations changent, autant la formation des collaborateurs ou futurs collaborateurs de ces organisations doit s’adapter. Peut-on encore former des collaborateurs qui auront à évoluer dans un monde toujours plus instable et perturbé par un enseignement classique et immuable ? Il est permis d’en douter.

Si certaines disciplines se prêtent sans doute encore à un enseignement traditionnel, il n’est pas certain que la même approche s’applique partout, en tout temps et en tous lieux. Pour faire simple, si les contenus ne sont pas homogènes, il est peu probable que les modes de transmission des savoirs doivent rester homogènes…

To do list

Ensuite se pose le sujet du clientélisme. Les apprenants quel que soit leur âge et leurs parcours, se voient désormais comme des consommateurs d’un service. On peut bien évidemment le critiquer, voire le déplorer, mais cela ne changera rien à cette réalité.

Comme consommateurs, soumis à une multitude de stimuli, les apprenants recherchent la valeur ajoutée des formations reçues. Il est donc important d’être capable d’innover pour répondre à ces exigences nouvelles et surtout évolutives !

Car comme chacun sait les clients sont rois et leurs souhaits quelque peu changeants…

Si l’acte de formation se conçoit désormais dans le cadre d’une relation client, il convient de considérer également son pendant : la concurrence.

Indéniablement la concurrence des établissements de formation (publics ou privés) constitue une dynamique d’innovation. En effet, la mondialisation et l’accroissement de la concurrence ne sont pas que pour les entreprises de production de biens. Les universités et organismes de formation sont aussi soumis à ces nouvelles règles.

D’ailleurs, la technologie qui facilite l’enseignement à distance rend encore plus présente cette concurrence (MOOC par exemple). Il n’y a plus de marchés captifs et il faut donc innover pour se développer durablement.

Enfin, la pédagogie ne peut échapper à la numérisation galopante de notre société. Ainsi, les nouvelles technologies de l’information et de la communication ouvrent un champ des possibles quasiment infinis en matière d’innovation pédagogique.

Dans le même temps, il n’est plus à démontrer que ces outils permettent aux apprenants d’accéder par eux-mêmes à une infinité de contenus.

Le rôle du formateur doit alors évoluer. Car il ne s’agit plus pour lui d’apporter ces informations dans la salle de cours. Mais plutôt d’aider l’apprenant à réfléchir sur la manière dont ces contenus peuvent être utilisés pour créer de la valeur.

Au total, ces outils ouvrent des contraintes nouvelles mais aussi des perspectives alléchantes. Surtout elles constituent un inducteur d’innovation comme nous n’en avions peut-être jamais connu auparavant.

BD - innovation pédagogique

Un exemple d’innovation pédagogique : la pédagogie active

Un des exemples les plus frappants d’innovation en pédagogie est sans conteste l’essor des pédagogies actives. Basées sur les approches prônées par des pédagogues comme Freinet et Montessori.

Ces derniers ont défendu une pédagogie autre que celle de la transmission ; en axant leurs méthodes sur le sensoriel et la découverte pour apprendre par soi-même et en fonction de ses aspirations et préférences.

Freinet affirmait en 1964 que ; « la voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la démonstration, processus essentiel de l’École, mais le tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle ».

La pédagogie active est de fait moins cadrée que la pédagogie traditionnelle... Pour laquelle on a un programme et des exercices établis pour tester les savoirs et savoir-faire. Avec les méthodes actives, l’apprenant est certes encadré, mais il est plus autonome dans sa démarche. Et le travail se fait souvent en groupe.

La pédagogie active peut se décliner de différentes façons : apprentissage par problème, blended pédagogie, serious-games, pédagogie par projet, pédagogie inversée…

La pédagogie inversée par exemple a été  popularisée par un mathématicien américain, Salman Kahn qui, en 2004, a publié des vidéos sur YouTube pour aider des enfants de sa famille en mathématiques.

Il réalise alors que des centaines de personnes consultent ses vidéos et développent un engouement nouveau pour les mathématiques. Face au succès, la fondation Bill Gates et Google lui offrent plusieurs millions de dollars pour développer son projet à grande échelle.

La pédagogie inversée est née… Mais au fait, en quoi est-ce innovant ?

classe traditionnelle

La pédagogie inversée chamboule les rôles traditionnels.

En effet dans la pédagogie inversée la notion est d’abord étudiée seul par l’apprenant. Il découvre la notion travaillée par lui même à l’aide d’outils fournis par le formateur. L’apprenant arrive donc en session présentiel « chargé » de questions, d’interrogations et d’envies aussi.

En classe, le formateur va proposer des « tâches complexes » liées à ce qui a été vu ; de la manipulation, des échanges d’idées en travaux de groupe. Il guide les apprenants, les accompagnent de manière plus individualisée.

Il y a donc d’abord transfert de l’information ; le formateur communique le savoir ensuite l’apprenant doit être capable de l’assimiler et de le réinvestir !

Dans la pédagogie inversée, le rôle du formateur devient central. Il n’est plus uniquement le passeur de savoir, il doit être un guide accompagnateur.

classe inversée - innovation pédagogique

Les retours d’expérience de la pédagogie inversée sont dans l’ensemble très satisfaisants. Il n’en demeure pas moins que cette approche présente certaines limites.

A ce sujet, Claude Garcia indiquait dans un article du journal Le Monde de février 2014 qu’il ne fallait pas attendre d’une innovation pédagogique plus qu’elle ne peut donner.

« Il faut l’expérimenter, l’inscrire dans sa propre démarche pédagogique, sinon avec la pédagogie inversée comme avec toutes les autres innovations, on va se retrouver avec des apprenants tout retournés ! »

Pour ceux qui souhaiteraient approfondir la question de l’innovation pédagogique ; nous vous invitons à consulter l’excellente conférence du Professeur Michel Fabre sur la question.

Innovation pédagogique : pourquoi faire ?

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