Et si le secret de l’efficacité de DDMRP résidait dans les hommes ?
Au fil des décennies nous avons développé toujours plus de technologie au service de nos supply chains, inventé des algorithmes sophistiqués, interconnecté les sites distants autour du monde, tracé en temps réel le moindre événement.
Cette débauche de moyens, de puissance de calcul, de logiciels et d’acronymes compliqués aurait tendance à nous faire penser que tout cela est scientifique, mathématique, électronique et fantastique !
La science et la technologie sont formidables !
Rendez-vous compte : on sait faire atterrir un mini robot sur une minuscule comète de 4 km de long après un voyage de 7 milliards de kilomètres ! On fait voler des drones qui savent revenir tout seuls à leur point de décollage ! On a dans notre poche de quoi communiquer instantanément avec les antipodes ou avec son petit dernier !
Alors comment est-il possible en ce même 21ème siècle technologique de continuer à subir des choses aussi triviales que des ruptures, des urgences et des stocks obsolètes ?
Et si le vilain secret derrière tout cela était le HDMRP ?
Quoi ? Un nouvel acronyme abscons ? Le MRP Haute Définition ? Et pourquoi pas la 3D ? (ok, ok, il est possible que les imprimantes 3D jouent un rôle prochainement mais bon là ce n’est pas le sujet de ce billet).
Non, il s’agit de décrire une vérité très simple :
en réalité nos supply chains sont avant tout Human Driven ; pilotées par des hommes et des femmes, dotés d’intelligence, de raison, d’émotions, de politiques, d’objectifs, de failles, etc.
Les sciences humaines ne seraient-elles pas en réalité les sciences les plus importantes pour le pilotage de nos supply chains… Loin devant le dernier algorithme sophistiqué pour prévoir l’imprévisible ?
Et si le secret de l’efficacité de DDMRP résidait justement dans la reconnaissance et la prise en compte de ce facteur humain ? Examinons plusieurs aspects de la méthodologie sous cet angle.

Installons un nouveau “Cogiciel”
Allons bon, un néologisme maintenant ! Nos amis américains appellent ça le « thoughtware ». L’enjeu est d’aligner les modes de pensée dans l’entreprise sur ce qui compte vraiment, c’est à dire le FLUX pour répondre à la demande.
Ça semble naturel / inné et pourtant il s’agit bien dans la plupart des entreprises de changer de paradigme. Car nous avons acquis au fil des décennies une culture centrée sur la réduction des coûts unitaires… Qui va souvent à l’encontre du flux. Plus que d’installer un nouveau logiciel il faut installer un nouveau cogiciel… C’est à dire de permettre à nos équipes de cogiter flux !
Soyons à peu près bons plutôt que précisément faux
Carol Ptak le répète à l’envi : be roughly right rather than precisely wrong ! C’est très choquant pour nos esprits cartésiens, ingénieurs, gestionnaires. Je me souviens d’un débat avec un SVP WW Operations d’une multinationale, ne comprenant pas pourquoi pour un délai « court » on recommande un facteur de délai de 60 à 100%, et de 20 à 40% pour un délai « long ».
« Que signifie court / moyen / long ? Pourquoi 60 à 100% ? Quelle est la science qui supporte cette affirmation ? » Le même dirigeant n’est pas choqué que son système MRP calcule précisément un besoin sur la base d’une prévision, structurellement approximative. Si en plus la prévision a été élaborée avec un algorithme compliqué, c’est rassurant…
Mon prof de physique le disait tout le temps : assurez-vous d’abord des ordres de grandeurs. Les dimensionnements statiques et dynamiques prônés par DDMRP sont basés sur ce principe, familier pour tous ceux qui pratiquent les boucles kanbans ; construisez un modèle qui a du sens, et ensuite vous l’améliorerez.
Pilotons visuellement
Nous le savons tous ; représenter une supply chain comme un flux linéaire allant du fournisseur du fournisseur au client du client n’est plus du tout adapté au monde d’aujourd’hui. Les supply chains de nos jours sont des réseaux complexes, imbriqués et globaux de fournisseurs, de sous-traitants, de clients.
A chaque nœud de ce réseau il y a un système MRP (ERP) opéré par des humains.
Chacun de ces nœuds reçoit des signaux. Il les interprète, prend des décisions, envoie des signaux et des produits aux autres nœuds. Et il adapte graduellement son fonctionnement, par apprentissage.
Bien souvent les systèmes MRP sont des boîtes noires pour leurs utilisateurs ; qui croulent sous les messages d’action, les problèmes d’intégrité de données, et de multiples changements. Comment faire dans cette confusion pour prendre les bonnes décisions, et améliorer en permanence la performance ?
Par contraste, DDMRP met en œuvre un pilotage très visuel basé sur des codes couleur bleu / vert/ jaune/ rouge/ rouge sombre ; à la fois pour la planification, pour le suivi d’exécution, et pour l’analyse de performance. Quoi de plus intelligible ? Depuis l’avènement de l’automobile nous comprenons tous les feux tricolores. Les équipes disposent des outils pour travailler sur les vraies priorités, prendre les bonnes décisions au bon moment, et piloter l’amélioration.
Pourquoi DDMRP donne-t’il des résultats concrets, significatifs, rapides et durables ? Pour ma part c’est clair : il reconnaît le facteur humain de nos « Human Driven Supply Chains », et rend évidents les comportements qui favorisent le flux.
Le secret de DDMRP est-il HDMRP ?…
Superbe article, plein de sens et d’humanité ! Merci beaucoup