Amélioration Continue, Entreprise Libérée : laquelle au service de l’autre ?

De quoi parle-t-on ? L’entreprise libérée et l’amélioration continue en 2 mots :

  • L’entreprise libérée: Isaac Getz l’a décrit comme ; « une forme organisationnelle dans laquelle les salariés sont totalement libres et responsables dans les actions qu’ils jugent bon — eux et non leur patron — d’entreprendre ». L’entreprise libérée prône comme valeur fondatrice, la confiance en l’Homme. C’est au départ une philosophie humaniste de conception de l’entreprise.
  • L’amélioration continue: Ce n’est ni une méthode, ni un outil ; c’est un mode de pensée qui ne se satisfait pas d’une situation donnée et vise constamment à l’améliorer ou la remettre en cause pour un résultat meilleur. Le grain de sable est vu comme une source inépuisable d’amélioration. L’amélioration continue est souvent mise en œuvre au travers d’une démarche de type Lean Management (dont la recherche de gaspillages) et/ou le Kaizen.

Commençons d’abord par mettre en évidence les parallèles entre les 2 approches.

Ce sont toutes les 2 des méthodes adeptes de la théorie Y de Douglas Mc Gregor ; l’homme aime travailler. (versus la théorie X : l’homme n’aime pas travailler, ce qui conduit à renforcer les règles et les contrôles). Cette théorie Y se traduit par un type de management participatif et le système vertueux suivant :

  • Organisation construite autour de principes de confiance, de délégation et d’autocontrôle.
  • Meilleure implication des employés dans le travail : prise d’initiatives, de responsabilités.
  • Conviction des managers renforcée et donc incitation à maintenir la confiance, la délégation et l’autocontrôle.

Dans la mise en œuvre de ces principes d’organisations, les similitudes sont également nombreuses :

Une orientation commune autour du client :

créer de la valeur pour le client pour l’un ; pour l’autre, l’auto-organisation pour renouer avec la motivation des salariés et permettre la création de valeur.

Donner plus d’autonomie aux équipes terrains :

les termes employés sont différents mais la finalité similaire :

  • Pour l’amélioration continue : donner plus de pouvoir aux équipes terrains, pour éviter de générer des gaspillages, résoudre les problèmes rapidement,
  • Pour l’entreprise libérée ; l’organisation décentralisée et adaptative créée est la plus agile pour répondre à des problématiques survenant dans un environnement complexe.

Repenser l’organisation et les contraintes qui les régissent :

Pour l’amélioration continue ; derrière le jidoka (aptitude donnée à un opérateur d’arrêter un chaîne de production au premier défaut), c’est bien toute l’organisation de résolution de problème qui est repensée. Au moindre défaut, toute l’organisation vient en support du producteur de valeur ajoutée.

Pour l’entreprise libérée ; le besoin de remplacer le COMMENT, moteur de démotivation (au travers de contrôles poussés) par le POURQUOI est caractéristique d’une recherche de sens de ce qui est fait génère la mise en place d’organisation non traditionnelle… Équipes auto-organisées, capitaine d’équipe mandaté par ses pairs, changement de capitaine régulier, au service du projet collectif.

Recherche de l’engagement :

Elles partent aussi du principe que c’est celui qui « fait » qui « sait ». Repositionnant dans les 2 cas le rôle des managers et encadrants. D’un rôle de « je décide et je contrôle » à un rôle d’apprenant « à faire et à faire faire » : un guide, un coach.

Le droit à l’erreur :

l’apprentissage par l’erreur comme meilleure compréhension de l’environnement permettant de construire un système apprenant.

L’alternance dans des environnements toujours plus compétitifs :

L’amélioration continue prône l’alternance de chantiers d’amélioration pas petits pas (Kaizen)… Avec des innovations de rupture (Kaikaku) de temps à autre ;

Des courants de pensées (par ex : Jean Steaume) voient également dans l’entreprise libérée des nécessaires alternances de « laissez-faire » et de remise sous contrainte / contrôle d’un système. (l’histoire reste à écrire)

Pas de recette ou de mode opératoire du Kaizen. Tout au plus initier les personnels à l’état d’esprit Kaizen puis créer les conditions favorables pour le mettre en œuvre au quotidien. De même, pour la « libération » de son entreprise ; la spécificité du contexte de chaque entreprise ne permet pas de copier un processus, même si les grands principes restent.

Alors l’entreprise libérée n’est-elle pas juste un changement de nom, plus contemporain, pour un système de management basé sur l’amélioration continue ?

Il y a, à mon sens, au moins une différence fondamentale entre amélioration continue et entreprise libérée. Même si les deux approches ont un même pré-requis – la vision de l’entreprise – la manière de la construire et de la décliner est très différente.

La cohérence des actions d’amélioration continue va être une déclinaison (A3 stratégique, top-down) de la vision dans toute l’organisation, au service de la stratégie d’entreprise ; les actions d’amélioration continue sont donc totalement libres, dans un cadre donné et prédéfini.

Dans l’entreprise libérée, la CO-CONSTRUCTION est un acte de fort de management ; la vision de l’entreprise va se décliner sur un système de valeurs repensé, partagé et ciment du projet collectif.

Cette co-construction est indéniablement l’élément qui donne du sens au projet.

Il y a par ailleurs au moins un autre changement beaucoup plus profond : notre environnement actuel. Il est évident que manager une entreprise aujourd’hui et manager une entreprise dans les années 80 (années de déploiement de l’amélioration continue sous sa forme actuelle), c’est manager des équipes qui n’ont pas du tout les mêmes aspirations au regard de leur vie personnelle et professionnelle. Les générations actuellement au travail sont :

  • Les générations X (nés entre 1960 et 79) ; génération à la recherche de défis et avec un fort besoin d’apprendre… Ce qui se manifeste entre-autres par le désir d’évoluer dans un milieu collégial et convivial
  • La génération Y (nés entre 1980 et 94) ; génération coaching et rétroaction, la génération du « why » : pourquoi je fais ça ? Se déclinant notamment par le besoin de rechercher un sens dans les actions entreprises, la recherche du plaisir dans le travail, le désir d’évoluer au sein d’un milieu collégial, d’une communauté, valorisant le travail d’équipe.
  • La génération Z (après 1995) ; la génération silencieuse, ou génération C (communication, collaboration, connexion, créativité), avec des attentes similaires à la génération Y en entreprise.

L’entreprise libérée est donc sans doute une direction de solution très adaptée à l’intégration de ces nouvelles générations dans l’entreprise.

La quête du sens comme moteur de motivation et de dépassement de soi au service du projet collectif, et par conséquence ; terreau favorable pour s’améliorer continuellement.